Aujourd’hui, coup de projecteur sur un sujet clé dans les apprentissages de nos enfants : l’écriture !
Pour cela, j’ai demandé à Eugénie Charlet de nous partager ses astuces pour donner aux enfants le goût de l’écriture, leur faire prendre de bonnes habitudes dès leur plus jeune âge, et également pour nous parler de son métier : graphothérapeute, ou l’art de rééduquer l’écriture !
Qu’est-ce que c’est, à quoi ça sert, quand se sentir concerné par une « rééducation » pour nos enfants : à découvrir dans notre article spécial « écriture » ci-dessous !
Pourquoi ? Parce que nous sommes nombreux(ses) à nous demander si « mal écrire » est une fatalité, à ne pas savoir comment accompagner nos enfants sur ce qui a pourtant un impact sur leur capacité à suivre le rythme de la classe quand ils écrivent lentement et/ou dans la douleur, et sur leur confiance en eux.
Un immense merci, Eugénie, pour ce partage riche d’enseignements pratiques ! C’est parti ?
Eugénie, graphothérapeute et maman de 4 enfants
Bonjour, Je m’appelle Eugénie, j’ai 43 ans, et suis maman de 4 enfants : César 14 ans, Bertille 12 ans, Palmyre 10 ans et Joséphine qui a 7 ans. J’habite à Roubaix, dans le Nord, et je suis graphothérapeute, c’est à dire que je rééduque le geste graphique chez les adultes et les enfants qui en ont la nécessité, ou plus concrètement, je rééduque leur « geste d’écriture ».
Comment détecte-t-on, en tant que parents, que la graphothérapie peut aider notre enfant ?
Les parents s’adressent à moi lorsqu’ils (ou l’enseignant) constatent que l’écriture de leur enfant peut poser des difficultés à l’apprentissage : une illisibilité, un manque de soin des cahiers, une maladresse dans la tenue du crayon qui influe sur l’écriture, la vitesse d’écriture qui est impactée (qu’elle soit lente ou trop rapide)…
Quels sont les impacts de cette difficulté à écrire pour les enfants concernés ?
Ces enfants viennent rapidement à en souffrir, et sont dans l’évitement lorsqu’il s’agit d’écrire quelque chose. Cela a aussi pour effet de leur donner des sentiments d’échec, de manque de confiance en soi, et des devoirs interminables... En tant que parents, on commence à s’énerver aussi, surtout quand on n’arrive pas à relire son cahier de textes pour faire des devoirs….
A partir de quel âge peut-on dire qu’il y a « problème » ?
On considère qu’à partir du CE2, l’écriture de l’enfant est installée, ce n’est d’ailleurs qu’à partir de cette classe que l’on peut dire qu’une écriture présente des items de dysgraphie (La dysgraphie est un trouble qui affecte l’écriture et son tracé. Du grec dus : difficulté et graphein : écriture). Avant, les enfants sont encore dans l’apprentissage soit du geste, de la position, de la formation des lettres, ou encore de l’acquisition de la fluidité.
Avant 8 ans, pas d’inquiétude donc face à un apprentissage compliqué de l’écriture ?
Quand j’ai commencé mon activité, je proposais davantage mes compétences aux enfants à partir de 8 ans. Mais depuis deux ans, en passant le premier confinement avec ma petite dernière qui était en grande section et où il fallait la préparer à rentrer au cp, j’ai eu beaucoup de retours de copines qui se sentaient davantage à l’aise dans l’approche de la lecture que dans celle de l’écriture, les visios avec les maîtresses confirmaient cela !
J’ai donc décidé à la rentrée 2020 d’ouvrir mon activité aux enfants en apprentissage de l’écriture et de leur proposer des petits stages durant les petites vacances. Il s’agit alors de trois séances d’une heure pour aborder les points essentiels (Grande section – CP- CE1). Les parents aiment bien aussi les retours que je leur fais, ils apprennent des bases, des techniques.
Lecture, écriture, … ça fait beaucoup de nouvelles compétences à acquérir !
C’est vrai qu’on a tendance à porter plus notre attention sur l’apprentissage de la lecture, mais apprendre à écrire est un acte très complexe, cela demande aux enfants de maîtriser de nombreuses choses autant dans le corps que dans l’espace, puis la motricité fine intervient pour une tenue du stylo adaptée, la sphère ophtalmique est aussi sollicitée pour écrire sur la ligne, entre les lignes…. Il n’est pas rare que je sollicite auprès des parents un bilan orthoptiste pour vérifier certaines observations….
J’aime bien l’idée de dire aujourd’hui dans mon cabinet, on apprend à écrire ou à réécrire.
Comment « bien » tenir son crayon ?
On appelle la prise idéale « en pince » ou prise distale à deux doigts.
Le stylo se tient avec trois doigts : l’index légèrement plié sur le dessus du stylo, c’est lui qui dirige le mouvement. Le pouce immobilise le stylo en refermant la prise sur le coté. le crayon est posé sur la première ou deuxième phalange du majeur.
Aussi, nos doigts ne sont pas éloignés de la mine, mais pas trop non plus. C’est pour ça que chez certaines marques de stylo il existe un petit repère d’éloignement de la mine.
As-tu des astuces pour accompagner nos enfants dans la bonne tenue du crayon ?
Pour y parvenir, il faut beaucoup manipuler, ce que les enseignantes de maternelle font énormément : de la pâte à modeler, des pinces, des gommettes.. L’idée est de muscler les doigts pour leur permettre d’être suffisamment dynamiques pour accompagner la formation des lettres par la suite.
Quid des « places-doigts » pour bien tenir son crayon ? Est-ce une bonne idée ou un gadget ?
Chez certains enfants, la prise du stylo est innée, chez d’autres cela demande davantage d’attention. Les enseignants me disent parfois être démunis pour les aider par manque de formation et de temps. On peut alors les aider avec des “places doigts” ou des stylos guidés. Mais on ne peut plaquer le même matériel à tous les enfants. C’est ça qui est complexe, trouver le bon matériel pour chaque enfant…
Commet choisir le BON stylo pour son enfant ?
A mon sens, on ne peut imposer un stylo à chaque enfant sauf dans l’apprentissage où les crayons triangulaires sont vraiment indiqués.
Là, je pense plutôt aux classes à partir du CE1 : même dans les stylos, il y a des modes. Sous couvert de leur praticité, le bic 4 couleurs ou le stylo frixion sont très régulièrement présents dans les trousses des écoliers pourtant, ils ne sont pas propices à une tenue du stylo confortable !
Ça fait rire les enfants que je vois, mais je leur parle souvent d’amitié quand on parle de stylos, et en effet, dans la cour, il y a des enfants avec qui ils s’entendent mieux qu’avec d’autres, c’est une question de caractère.. et bien le stylo, c’est pareil ! Moi, il y a des stylos avec lesquels je déteste écrire, ou je n’aime pas mon écriture, et d’autres qui sont mes véritables chouchous… Il ne faut pas hésiter à aller en essayer en magasin !
Quelles sont les conséquences d’une mauvaise tenue du crayon ?
La prise du stylo est primordiale. Une mauvaise tenue de stylo peut générer des douleurs et/ou une imprécision. Au fil des classes, l’exigence en terme de vitesse augmente et l’enfant risque de voir ces problèmes se développer, voir ne pas réussir à écrire suffisamment vite pour suivre les cours ou réaliser les évaluations à temps. C’est pour ça qu’on insiste sur la prise de stylo. Bien entendu, certains enfants y parviendront mais pas tous….
En tant que maman, qu’est ce que tu as mis en place avec tes enfants (pour ne pas les retrouver dans ton cabinet) ?
A la maison, lorsque les enfants écrivent, j’essaye à ce qu’ils prennent soin de ce qu’ils font. On n‘écrit pas souvent pour soi, c’est souvent pour les autres, pour donner un message et c’est aussi important de faire en sorte que l’autre prenne plaisir à vous lire !
As-tu des recommandations de jeux ou activités qui permettent d’accompagner l’apprentissage de l’écriture pour les plus petits ?
Oui bien sûr : j’ai moi même changé les petits jeux de la maison entre mon aîné et ma dernière, ayant été formée à la graphothérapie entre temps.
Il y a eu le retour des jeux où les doigts sont vraiment sollicités : les gommettes, les cartes à gratter sont super pour les enfants qui n’osent pas appuyer sur leur feuille, les feutres pinceaux à l’inverse quand on appuie trop, le docteur maboul (super jeu pour tenir le crayon si on prend la pince avec le pouce et l’index uniquement), les jeux de dés, le spirographe…
J’essaye aussi à ce que le matériel proposé soit adapté, comme les crayons de couleurs que j’achète chez Sostren grene. Ils ont des gammes vraiment chouettes : j’ai trouvé des fluos triangulaires la semaine dernière… Avec trois filles, j’essaye de trouver des petites choses fun mais qui ont un intérêt !
Y a-t-il des ouvrages ou cahiers de vacances que tu aimerais nous recommander ?
Quand l’été arrive, je passe du temps à éplucher les petits cahiers d’écriture ou de jeux de vacances proposés dans le commerce, pour voir comment ils sont fait ! Je porte une attention particulière à la police d’écriture utilisée dans les supports que je choisis. La police “belle allure” de Jean Boyault, celle utilisée dans les cahiers Milirue, est celle que je privilégie car elle est facile et lisible : il est important qu’elle soit fluide. On y retrouve des lettres faciles, des « e » et « l » apraxique, c’est à dire non cassés, et aussi l’absence de traits d’attaque devant les lettres rondes. Elle ressemble à l’écriture Dumont, ou à celle proposée en pédagogie Montessorri.
Les cahiers d’écriture de Laurence Pierson sont également top. Il y a depuis peu de nouvelles propositions très intéressantes de la librairie des écoles.
Quel chemin t’a mené vers la graphothérapie ?
Avant d’être graphothérapeute, j’ai été éducatrice spécialisée durant plus de 15 ans. J’ai travaillé auprès d’enfants et d’adolescents en maison d’enfants, et ensuite j’ai accompagné des enfants, des ados et leurs familles dans leur quotidien et leurs relations familiales, sur ordonnance d’un juge des enfants.
J’ai adoré pouvoir améliorer le quotidien de ces familles, mais aussi avoir une activité très diversifiée et rencontrer plein de personnes gravitant autour des enfants que ce soit les spécialistes, les écoles, les missions locales, les associations très nombreuses dans la métropole lilloise.
Pourquoi avoir choisi cette orientation ?
Après la naissance de Joséphine, j’ai voulu prendre du recul avec le rythme bien soutenu que nous avions mais aussi avoir plus de calme dans mon activité professionnelle… L’idée de me réorienter était déjà présente depuis un petit moment.
Aider les enfants et adultes pour qui l’écriture était une réelle barrière à apprendre ou se sentir bien était déjà présente grâce à César pour qui nous avons dû nous adresser à une graphothérapeute quand il était en CE1. J’y ai découvert une vraie prise en charge de mon fils et surtout même si l’écriture n’est toujours pas sa passion, cela l’a réconcilié avec elle. C’est d’ailleurs cette même professionnelle qui m’a formé en 2018 par le biais d’une école parisienne !
J’ai donc installé mon cabinet en janvier 2019 à Roubaix, près du parc Barbieux (www.echarlet-grapho.fr).
Une fois le besoin identifié, quel accompagnement proposes-tu aux enfants ayant besoin de cette rééducation ?
Je propose dans un premier temps, un bilan qui me sert vraiment à voir les points forts et les points de blocages dans le geste graphomoteur de l’enfant, ado ou adultes.
A la suite de ce bilan et de mon étude, je propose un suivi personnalisé. Dans la grande majorité, la prise en charge varie entre 6 à 14 séances environ, entre 2 à 4 mois. Je trouve ce temps de bilan très important, il s’agit là d’essayer d’être le plus clairvoyant avec la famille : la rééducation a un coût, pas toujours remboursée par les mutuelles, et l’idée est de permettre à l’enfant d’avoir une écriture lisible, facile et à une vitesse adaptée.
Cela m’arrive également de ne pas proposer de suivi, en réorientant vers un autre professionnel s’il y a besoin d’un accompagnement spécifique.
Un petit mot pour conclure ?
On ressent clairement que l’écriture reprend une place au sein des apprentissages depuis quelques années.
En effet, après avoir pensé que l’ordinateur aller remplacer le stylo, on revient à l’écrit, parce que cela nous permet d’intégrer davantage ce que l’on note, parce que notre attention y est meilleure.
Je pense que c’est un beau cadeau de permettre à son enfant de maîtriser l’écriture, d’autant que cette souffrance d’avoir une écriture illisible existe et ne s’arrête pas au monde de l’enfance, des adultes la vivent aussi.
Un immense merci à Eugénie Charlet pour ce témoignage et tous ses conseils !
J’espère que cet article vous a intéressé et que la prochaine fois que vous chercherez une activité ludique et utile à faire en famille, vous penserez à tous les bénéfices d’une partie de petits chevaux ou d’un Dr Maboul sur la musculation de leurs petits doigts ! 😉
A bientôt,
Clémence, fondatrice de Milirue
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